Ni chaînes ni maîtres est un film de Simon Moutaïrou sorti le 18 septembre 2024. Il raconte l’histoire de l’esclavage et du « maronnage » sur l’Isle de France, actuelle Île Maurice, à travers la relation entre les maîtres – Eugène Larcenet joué par Benoît Magimel et son fils Honoré Larcenet joué par Félix Lefebvre – et les esclaves – Massamba joué par Ibrahima Mbaye et sa fille Mati jouée par Thiandoum Anna Diakhere. Mati s’échappe, et elle est poursuivie par Madame La Victoire jouée par Camille Cotin.

Des acteurs très bons

Tous les acteurs campent très bien leur rôle, mais hélas la réalisation et le montage ne leur rendent pas justice. On éprouve de l’empathie pour les maîtres comme pour les esclaves, pour la chasseresse comme pour les fugitifs, et on suit cette histoire avec passion. L’esclave qui fait tout bien mais qui est trahi par son maître, la fille qui veut juste s’enfuir parce que sa vie n’est pas là, le fils du maître qui a grandi avec l’esclave et qui apporte un regard contemporain et neuf sur l’absurdité et l’horreur de l’esclavage, la chasseuse qui vit pour son métier et son amour de l’ordre qui doit être respecté. Tous ces thèmes, les acteurs les font vivre et ressentir au spectateur d’une manière efficace.

Un film inégal

Le rythme du film est très surprenant, pendant toute la première partie il est soutenu, avant et pendant la traque des esclaves, puis on arrive à un moment où parce que les esclaves sont en sécurité (du moins le pensent-ils), tout s’arrête, et on a l’impression que le film s’arrête là aussi, il ne s’y passe plus rien.

De la religion critiquée et du surnaturel

La religion catholique est évoquée, mais seulement en tant que grande oppresseure. C’est une religion mécanique, à aucun moment on sent qu’elle ne fait vivre des personnages. On voit la chasseuse d’esclaves prier à un moment un chapelet uniquement composé de Notre Père, et c’est là qu’on comprend le manque de culture chrétienne du scénariste.

Il y a cependant une scène très forte au début du film où l’esclave rencontre le gouverneur de l’Île qui lui demande s’il pense que les marrons peuvent aussi être libres, et il lui répond « Nous avons été créés le cinquième jour, comme les bêtes, vous avez été créés le sixième jour, et c’est pourquoi nous devons vous appeler maîtres et vous servir »

A côté de la religion, il y a aussi tout un pan surnaturel traîté par le film, mais pour lequel je n’ai pas compris ce qui arrivait vraiment ou ce qui n’était que des illusions ou des souvenirs des esclaves. Et ces éléments combinés donnent l’impression que le réalisateur ne sait pas très bien quoi choisir entre taper sur la religion ou promouvoir du surnaturel. Ce qui donne un résultat assez confus pour le spectateur.

Des plans parfois surprenants

Le soin apporté à l’image de ce film est également inégal. On a parfois de beaux plans de l’île, de la mer, de la nature, puis des plans que personnellement je n’ai pas compris. A un moment, dans une course-poursuite, le caméraman suit le fugitif caméra à l’épaule, ce qui donne une image qui bouge dans tous les sens et qui n’est pas du tout agréable à regarder. Ce plan tout à fait amateur au milieu du film pose question, d’autant qu’il n’a pas de raison d’être, étant donné que le fugitif est seul à courir sur cette plage. Il y a aussi des plans bizarre où on croit comprendre que c’est le point de vue de l’esclave, mais de nouveau ce n’est pas clair, on ne comprend pas le message du réalisateur à travers ce plan.

Une narration brouillon

Le spectateur est vite perdu dans le déroulé du film, sans doute à cause des éléments surnaturels. La chronologie des événements n’est jamais claire, on ne sait jamais quel jour on est, des plans passent du nuit au jour, puis du jour à la nuit sans que le spectateur ait l’impression que tout un jour se soit écoulé. Ceci rend l’impression d’un film brouillon, renforcé par les plans suprenants évoqués plus haut.

Le message que je retire du film

Au-delà de la thématique de l’esclavage qui est très bien amenée, je sors avec une réflexion de ce film : Quel est le regard que je pose sur celui qui me fait face ? Est-ce que je le considère uniquement comme une personne utile, est-ce que je m’en sers pour moi-même et dès qu’il ne m’est plus utile je m’en détourne, ou est-ce que je le considère comme une personne à part entière ? Quel regard je pose sur celui qui est en face de moi ?

Ma note

Les acteurs sont très bons, il y a des beaux plans, il y a plein de bonnes idées, mais c’est un film décidément inégal, où le montage et la réalisation plombent ce film. Et ce film nous laisse l’impression que le réalisateur a voulu aborder plusieurs thèmes sans jamais arriver à choisir lequel il voulait traiter.